Vous avez probablement entendu parler de la série de livres "pour nuls". On y rencontre en particulier des livres sur l'informatique. Par exemple, "Windows XP pour nuls", "PhotoShop pour nuls" ou encore "Macintosh pour nuls" mais évidemment sur d'autres sujets aussi. Et bien je veux vous annoncer la sortie d'un truc plutôt différent, soit de "La Bible pour déprimés"!
Non, ce ne sera pas inscrit au catalogue de Samizdat, mais je veux juste vous faire part de quelques réflexions qui se sont accumulés en 35 ans de vie chrétienne (Dieu seul sait ce que ça vaut...).
À une certaine époque la doctrine "Word-Faith" (ce que j'appelle la "Pensée positive chrétienne"), propagée par des individus tels que Kenneth Copeland, Morris Cerullo, Benny Hinn, Kenneth Hagin et bien d'autres disciples moins connus, avait le vent dans les voiles dans les églises de Pentecôte du Québec. Cette doctrine affirme que le chrétien peut exploiter la "foi" comme une baguette magique et obtenir TOUT ce qu'il veut. Ainsi, Dieu se voit en quelque sorte transformé en machine distributrice où l'on peut obtenir un nouvel emploi, un(e) époux(se), une nouvelle maison, une vie sociale épanouie, la libération de toutes les blessures psychologiques et la victoire dans toutes les difficultés. En somme, le chrétien a le "droit" d'être béni! Mais le hic, c'est que cette doctrine place une charge énorme sur les épaules de ses adeptes (mais non pas sur ces promoteurs), car si les bénédictions attendues et les réponses aux prières ne sont PAS au rendez-vous, TOUTE LA FAUTE porte sur le chrétien qui a une foi fautive. D'autre part, si le chrétien n'est pas toujours "positif", de bonne humeurs, jamais déprimé, alors c'est également de sa faute... Un jour, j'ai entendu un prédicateur attaché à cette pensée affirmer que dans les Psaumes, il n'y a que du "positif". J'imagine qu'il entendait par là, que les Psaumes ne comportaient que des pensées "bénissantes", plaisantes. Rien de déprimant.
Mais le temps a passé et comme bien d'autres j'ai été confronté à la réalité que les chrétiens aussi vivent dans un monde déchu. Eh, oui, ça c'est une doctrine plutôt oubliée dans notre génération... À écouter ces "apôtres" de la Pensée positive chrétienne, à partir de la conversion, le chrétien serait immédiatement transporté au paradis! Fini les épreuves, suffit de crier "Alléluia!" et tous les problèmes disparaissent. Mais ce n'est pas ce que les apôtres ont enseigné aux premiers chrétiens (ex. Actes 14:22; 20:23; 2Cor 7:4; 1Thess 3:4; 2Thess 1:4). Mais évidemment on peut comprendre que cette "évangile" des bénédictions a tout pour plaire aux occidentaux grassouillets du 20e siècle...
Mais, dans mes lectures de la Bible j'ai découvert deux choses.
1) Le chrétien aussi vit dans un monde déchu (où la souffrance et les épreuves existent).
2) Le Dieu de la Bible n'est pas le dieu de la Pensée positive chrétienne. Il n'est pas intimidé ou frustré par un chrétien déprimé qui n'est pas "dans la victoire". Le Dieu de la Bible est capable d'entendre nos plaintes. Comme on dit au Québec, "Il est capable d'en prendre".
Le meilleur exemple est le livre de Job où cet homme fidèle a vu une série inouïe de tuiles qui lui sont tombés sur la tête et qui se fait dire, en guise d'encouragement par sa tendre épouse, "Maudis Dieu, et meurs!". Ouf! Et ensuite des copains bien intentionnés viennent "encourager" Job en lui cherchant des fautes qu'il n'a pas commises. Ah, c'est le comble...
Les Écritures préservent donc plusieurs chapitres d'échanges entre Job et ses copains, mais une bonne part n'est simplement Job, versant sa bile. Comme on dit en québécois, "il vide son sac". Et cela a été préservé dans les Écritures! Comme nous, Job ne sait pas que sur le plan spirituel il se passe des choses, une bagarre invisible, mais à la fin du récit, Dieu intervient et après un échange un peu macho avec Job, il dit aux "copains": "Ma colère est enflammée contre toi et contre tes deux amis, parce que vous n'avez pas parlé de moi avec droiture comme l'a fait mon serviteur Job." (Job 42:7)
Et même si Job s'est plaint de son sort et de tout ce qui lui est arrivé, Dieu dit de lui qu'il a bien parlé. Aucune reproche n'est adressé à Job.
Et ailleurs dans les Écritures on rencontre Jérémie le prophète fidèle. Jérémie est né dans une période où c'est la grande déchéance en Israël. Et le boulot que Dieu donne à Jérémie n'est pas rigolo: avertir le peuple que le jugement viendra s'ils ne se repentent pas de tous leurs péchés. Et plutôt que de se repentir, ils s'amusent à taper sur le porte-parole de Dieu, Jérémie.
Et il y a des jours où Jérémie n'en peut plus... Au chap. 3 des Lamentations, Jérémie vide son sac. Ça vaut le coût de tout lire, mais je vous laisse quelques versets pour donner le style:
"Je suis l'homme qui a vu la misère sous la verge de sa fureur. Il m'a conduit, mené dans les ténèbres, Et non dans la lumière. Contre moi il tourne et retourne sa main Tout le jour. Il a fait dépérir ma chair et ma peau, Il a brisé mes os. Il a bâti autour de moi, Il m'a environné de poison et de douleur. Il me fait habiter dans les ténèbres, Comme ceux qui sont morts dès longtemps.
(...) Je suis pour tout mon peuple un objet de raillerie, Chaque jour l'objet de leurs chansons. Il m'a rassasié d'amertume, Il m'a enivré d'absinthe. Il a brisé mes dents avec des cailloux, Il m'a couvert de cendre. Tu m'as enlevé la paix; Je ne connais plus le bonheur." (Jer 3: 1-6, 14-17)
Et comme je le note dans mon livre Hors du ghetto, il y a tout lieu de penser que la musique du blues tire ses origines, par le biais des lamentations des esclaves noirs chrétiens, des lamentations de Jérémie ou des Psaumes tels que 11, 44 ou 88. Là encore, on voit que les auteurs sacrés sont aussi passés par des moments de grandes déprime. Des moments où la destruction de projets et des liens intimes peut nous affecter au point où la mort semble le bienvenu.
Jérémie, et bien d’autres saints, est passé par là et voici ce que nous livre comme réflexion pour traverser ses ténèbres.
"Voici ce que je veux repasser en mon cœur, Ce qui me donnera de l'espérance. Les bontés de l'Éternel ne sont pas épuisées, Ses compassions ne sont pas à leur terme; Elles se renouvellent chaque matin. Oh! que ta fidélité est grande! L'Éternel est mon partage, dit mon âme; C'est pourquoi je veux espérer en lui. L'Éternel a de la bonté pour qui espère en lui, Pour l'âme qui le cherche. Il est bon d'attendre en silence Le secours de l'Éternel. Il est bon pour l'homme De porter le joug dans sa jeunesse. Il se tiendra solitaire et silencieux, Parce que l'Éternel le lui impose; Il mettra sa bouche dans la poussière, Sans perdre toute espérance; Il présentera la joue à celui qui le frappe, Il se rassasiera d'opprobres. Car le Seigneur Ne rejette pas à toujours." (Lam 3: 21-31)
J'ai appris deux choses sur ces périodes de ma vie:
1) L'humiliation de nos projets fait partie de l'équation. Si l’on n'accepte cette humiliation, on risque de sombrer dans la noirceur et l'amertume. Manifestement Joseph (dans le livre de Genèse) a accepté cette humiliation et a évité l'amertume et Dieu l'a relevé.
2) Il faut avoir CONFIANCE en Dieu, que malgré les circonstances et notre souffrance, il est en contrôle. Et si on décide de ne pas faire confiance et vouloir prendre le contrôle, cela peut très bien conduire au suicide. Ah non, ce n'est PAS un jeu...
que Dieu nous garde et nous secours tous![b]